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SOPHROLOGIE ET ADDICTIONS

Post by 
Alexis Parde
sophrologie et addictions
S

ophrologie et addictions :

Les détours par l'étymologie nous permettent souvent de définir la profondeur d'un mot. En l'occurrence, ce procédé trouve son intérêt si l'on s'intéresse au mot "addiction". Ce mot, contrairement à ce que l'on entend, n'est pas un anglicisme : il vient du latin ad-dicere " dire à ".
Il se trouve que durant la civilisation romaine, les esclaves ou les orphelins n'avaient pas de nom. Un nom leur était attribué par les autorités et ce même nom était " dit " au chef de famille, le paterfamilias... Qui avait tout pouvoir de vie et de mort sur ses enfants, sa femme et ses esclaves.

Personne mangeant des chips en jouant à la console de jeux

A partir de cette analyse, le terme addiction renvoie donc fondamentalement à plusieurs aspects :

Un déficit identitaire et / ou affectif (pas de nom, pas de repère, etc.),
Une dette sous-jacente de l'orphelin ou de l'esclave
La soumission à une figure à la fois salvatrice et toute-puissante, le paterfamilias
La privation d'indépendance et de liberté par cette même figure de toute-puissance.
Relativement aux conduites addictives, et grâce à cet éclairage étymologique, apparaissent en filigrane quelques éléments suggérant le poids de situations, au demeurant inextricables... où se mêlent mélange et jouissance fugace, pouvoir de vie ou de mort, dans les cas les plus dramatiques.
Mais le but de cet article (pas plus que la sophrologie elle-même !) n'est pas d'analyser les causes de la dépendance. Il serait bien prétentieux de le faire en quelques lignes ! Au contraire, il s'agit de montrer en quoi la sophrologie constitue un outil intéressant et d'apporter des éléments concrets... car des réponses existent.

La diversité des troubles nécessite des réponses variées et une prise en charge pluridisciplinaire, notamment dans les formes les plus graves d'addiction.

Les addictions concernent aussi bien des comportements (jeux compulsifs, internet, boulimie, anorexie, sexe...), que des produits (cigarettes, alcool, stupéfiants...). Le terme est souvent utilisé pour désigner la dépendance aux drogues, voire la toxicomanie, les formes les plus graves.

Cependant, il ne s'agit pas de sous-estimer une addiction par rapport à une autre, car chacune signe (à des niveaux certes différents) des troubles comportementaux, physiologiques et psychologiques plus ou moins importants. C'est précisément la diversité des troubles, qui nécessite des réponses plurielles, le plus souvent apportées dans le cadre d'un travail collégial, par plusieurs professionnels : addictologues, psychiatres, sophrologues, infirmiers, professeurs d'activités physiques et sportives, artistes....

jeune femme fumant une cigarette en buvant un verre de vin

Plusieurs critères sont également à la disposition des professionnels de santé pour qualifier les addictions. La plupart d'entre eux retiennent les composantes biologiques (antécédents familiaux, données physiologiques, etc.), sociologiques (environnement familial, contexte, situation sociale, etc.) et psychologiques (personnalité du sujet). Ces composantes se concentrent précisément autour d'un certain nombre de points, tels que l'impossibilité de résister à la pulsion de passage à l'acte, la perte de contrôle, le soulagement ou le plaisir pendant la phase addictive, l'existence d'un syndrome d'arrêt après l'arrêt, la durée des épisodes, les tentatives répétées d'arrêter la dépendance, le temps consacré à la " gestion " de la dépendance, la perte progressive des relations, la poursuite de la dépendance malgré la perversité des effets....
Tous les phénomènes observés renvoient inexorablement à la notion de "valeurs".

Une histoire de valeurs ?

Dans la quasi-totalité des cas, le dépendant, a fortiori l'addict, va cesser sa conduite addictive au profit, uniquement, d'une valeur ou d'un intérêt supérieur ... et très rarement, voire jamais, par peur (maladie, mort, conditions matérielles, etc.), ou pour une valeur inférieure, voire pour une valeur inexistante.
En ce sens, les séances de sophrologie peuvent permettre la restauration progressive des "intérêts" ou "valeurs", par :

La "simple" présence au corps, par la respiration
La prise de conscience des 5 sens, la projection dans des valeurs positives (techniques de futurisation)
La rencontre du corps et de l'esprit (Pourquoi je respire ? / Pourquoi je respire ?)
La redécouverte des valeurs existentielles : la bienveillance à son égard, la santé et l'harmonie, l'altruisme, la gratitude...
Dans son livre "Fondements et méthodologie de la sophrologie", le Dr Patrick-André Chéné évoque l'allégorie de Platon (La République, épisode de la caverne) : l'homme est enchaîné, prisonnier à l'intérieur de sa caverne ; mais, guidé, il devra oser enlever ses chaînes puis se diriger vers la sortie, quitte à être ébloui par le soleil. Cette allégorie représentative, rappelons-le, des 4 premiers degrés de la sophrologie, illustre parfaitement la démarche à initier auprès d'un toxicomane, par exemple, dans le cadre d'un travail collégial avec des professionnels de la santé.

Comment sortir de la grotte ?

L'un des principes fondamentaux de la sophrologie est le principe de l'action positive. Il repose sur le fait que " toute action positive dirigée vers notre corps ou vers notre esprit a une répercussion positive sur l'ensemble de notre être ".

Ce principe est d'un intérêt majeur ici et constitue la première étape à franchir, pour redécouvrir les fonctions corporelles et se les réapproprier. Dans ce cas, l'accès au corps par la respiration est fondamental. Comme le souligne le Dr Thierry Janssen dans un article A la recherche de l'esprit publié par l'INREES : " le mot "esprit" vient du latin spiritus : souffle. C'est ce souffle qui traverse l'être et le rend vivant. On peut donc dire que l'esprit est l'ensemble des liens qui existent entre toutes les dimensions du vivant. La vie ne se manifeste que parce que ces liens sont établis à tous les niveaux : subatomique, moléculaire, cellulaire, organique, psychologique, sociologique ". Or, dans les formes addictives les plus graves, tout ou partie de ces niveaux sont mis à mal....

deux enfants jouent sur le téléphone et sur un pc portable

Ainsi, pour (re)découvrir son souffle et donc son corps, des exercices de base tels que la respiration abdominale, la sophronisation de base ou l'apprentissage de la respiration thoracique seront proposés. Bien évidemment, les premières séances menées avec des toxicomanes, suivis médicalement, seront à la fois régulières et concentrées autour de ces exercices de base. Les séances suivantes permettront une prise de conscience du schéma corporel et de l'image du corps, puis de soi.
Le soutien, la présence, la régularité et l'engagement du sophrologue (et de l'équipe !) constituent les piliers du travail, qui peut s'articuler, surtout dans les formes les plus graves, autour de trois grandes étapes :

la reconstruction, même imparfaite, de l'ego : image de soi / image positive. L'état sophronique permettra d'y accéder en toute décontraction et pas à pas, par un accueil progressif des phénomènes positifs qui peuvent être proposés au patient.
la reconnexion avec les réalités : son corps, sa respiration, les objectifs réalistes (même mineurs !), les possibilités, les solutions, les projections dans l'avenir...
la restauration des relations avec l'Autre : écoute, compréhension, parole, importance de l'Autre (d'où l'importance des séances de groupe !).
Les dernières études menées auprès des alcooliques suivis par le Centre d'Alcoologie d'Annecy, mettent en évidence l'intérêt d'alterner séances de groupe et brèves séances individuelles de sophrologie ; ces dernières étant davantage basées sur des échanges autour des phénomènes rencontrés lors des exercices. Les séances s'étalent sur un minimum de 6 mois, à raison de 2 x 1 h / semaine minimum et dans des groupes de 8 à 10 personnes maximum. Enfin, l'intérêt d'une prise en charge pluridisciplinaire est régulièrement confirmé.

La valeur ajoutée de la sophrologie dans le traitement des addictions est indéniable. D'autre part, on ne peut être indifférent, et a fortiori le sophrologue, face à l'inflation, notamment chez les jeunes, des conduites addictives : ceux-ci sont peut-être " tout simplement " représentatifs d'une société entière, en perte de repères et en proie à la folie comparative, compétitive et consumériste. La question est posée.

Mais, là encore, la sophrologie a certainement une utilité... mais cette fois, dans sa dimension préventive et sous l'angle d'une " philosophie ou pédagogie de vie " telle que souhaitée par son fondateur, le professeur Alfonso Caycedo, neuropsychiatre.